Appel à communications -« L’actrice au travail »

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17/09/2025
19/12/2025
#Appel à communication

Appel à communications

Colloque international

L’ACTRICE AU TRAVAIL

(Europe – XIXe siècle)

 

3 et 4 décembre 2026

 

Université de Lorraine – Campus Saulcy – Metz

 

Comité d’organisation

Roxane Martin (IUF, CREAT, Université de Lorraine)

Suzanne Rochefort (CRULH, Université de Lorraine)

Ce colloque international se conçoit comme une contribution à l’histoire des femmes au XIXe siècle par le truchement d’une catégorie socioprofessionnelle encore peu investie sur la période, à savoir l’actrice de théâtre. Figure à la fois admirée et calomniée, elle condense l’ensemble des problématiques qui ont traversé le siècle au sujet du statut des femmes. Car l’actrice est à la fois une femme-support des représentations imaginaires et une travailleuse qui déploie son activité au sein de la sphère publique. Elle se situe par conséquent à l’intersection de deux champs en apparence inconciliables : d’un côté, elle concoure à créer les images par l’intermédiaire desquelles se façonnent et se diffusent les visions idéalisées et formatées du « sexe faible » ; de l’autre, elle s’émancipe du cadre juridique qui, défini sous la Révolution, a eu recours au concept de Nature pour exclure les femmes de la citoyenneté en restreignant leur empire à la sphère domestique et à leur fonction de reproductrice. Refuge des « filles perdues », le théâtre s’offre comme un lieu où les femmes bénéficient d’un statut qui les place à l’égal des hommes sur le plan juridique. Bien souvent dégagées des tutelles du père ou de l’époux, elles adoptent le statut de « fille majeure » et s’exposent par conséquent à la sanction pénale, c’est-à-dire à la prison, au bagne ou à l’échafaud. Le théâtre leur offre l’opportunité d’exercer un métier, d’accéder à l’autonomie financière, d’atteindre la célébrité pour certaines, ce qui peut leur accorder un pouvoir d’influence dans le champ du politique. Mais les contraintes éprouvantes du métier, les réseaux de prostitution qui s’y déploie, l’influence du modèle patriarcal dans le façonnement des personnages qu’elles interprètent et dont dépend la longévité de leur carrière, les rendent aussi plus vulnérables et plus fortement exposées que les autres femmes à la réprobation morale et sociale.

C’est pourquoi l’actrice de théâtre constitue un objet de recherche intéressant pour l’histoire des femmes au XIXe siècle, et plus généralement pour étudier les rapports de genre produits par le travail. Les actrices évoluent dans un cadre professionnel qui est en structuration, sans statuts unifiés, d’autant que la législation autour des artistes dramatiques ne se précise que lentement (Prévot, 2025). Alors que le paysage théâtral se libéralise, leurs conditions d’emploi sont particulièrement variables. Certaines peuvent trouver de la stabilité, par exemple grâce au statut de sociétaire à la Comédie-Française, mais beaucoup enchaînent les contrats courts et se retrouvent en première ligne face aux aléas commerciaux des entreprises privées. Cela ouvre de nombreux questionnements sur les pressions exercées sur les travailleuses corrélativement à la mise en place d’un « ordre masculin », mais aussi sur les stratégies féminines d’action, de coopération et de lutte pour améliorer leur situation professionnelle tout en évoluant dans un cadre contraint par le Code civil.

Pourtant, l’actrice reste une figure majoritairement délaissée par les historiens. Son assimilation à la prostituée, redondante sous la plume des littérateurs au XIXe siècle, explique sans doute qu’elle n’ait pas retenu l’attention des études féministes, sauf lorsque ses activités s’étendaient à d’autres métiers davantage considérés sur le plan artistique, comme celui d’autrice par exemple. Quelques vedettes de la scène théâtrale ont fait, de leur vivant, l’objet de biographies qui versent tantôt dans l’hagiographie, tantôt dans le portrait à charge contre l’ensemble d’une profession. Les manuels d’histoire du théâtre français mentionnent, pour le XIXe siècle, toujours les mêmes grands noms : ceux qui sont rattachés à un courant esthétique porté par des auteurs masculins (les artistes féminines de la scène romantique par exemple, comme Mlle Mars, Marie Dorval, Mlle George ou Marie Taglioni) ; ceux qui permettent de nourrir une histoire de l’actrice centrée sur l’accession au vedettariat et à l’autonomie financière (Virginie Déjazet, Réjane, Sarah Bernhardt, entre autres). Les conditions d’exercice du métier d’acteur ont fait l’objet d’études sur les périodes étrangères à celle qui concerne cette recherche (Moyen-Âge, XVIIe, XVIIIe, XXe siècles). Le XIXe siècle reste à approfondir. De premiers jalons ont été posés dans des articles et des ouvrages collectifs qui s’intéressent au statut social de l’acteur sans distinction de sexe, ou à l’émergence du star-system (Charle, 2007 ; Fazio, 2011 ; Yon, 2012 ; Filippi, Harvey & Marchand, 2017 ; Quéval, 2023, entre autres). L’une des études d’envergure menée sur la comédienne, exclusivement, reste celle d’Anne Martin-Fugier (Comédienne, De Mlle Mars à Sarah Bernhardt, 2001) qui s’appuie essentiellement sur des témoignages et sur les récits incorporés dans les romans d’époque (Balzac, Zola, Goncourt, etc.). Ce colloque entend mobiliser d’autres types de sources, archivistiques pour la plupart, afin de documenter les facteurs concrets qui déterminent les trajectoires de vie et les expériences professionnelles des actrices, dans des cadres variés. Les études centrées sur des parcours de femmes restées anonymes pour la postérité seront les bienvenues.

Ce colloque constitue le premier d’une série de trois qui se dérouleront jusqu’à l’hiver 2028. Son objectif consiste à documenter les conditions de travail des actrices en Europe. Il souhaite favoriser la rencontre de chercheurs qui ont réfléchi au statut de l’actrice dans des contextes politiques, économiques, sociaux et religieux différents (France, Italie, Espagne, Prusse, Grande-Bretagne, Autriche, Suède, etc.). Plusieurs pistes, sans exclusive, s’offrent à leur réflexion :

  • Une étude des salaires et de leur variation en fonction des emplois ou de l’accession au statut de « vedette » ;
  • Une analyse des écarts entre les salaires féminins et masculins, identifiables grâce aux archives administratives des théâtres ;
  • Une estimation des temps travaillés (entre les répétitions, le nombre de rôles appris et joués parfois simultanément, les tournées effectuées en province et à l’étranger), rendue possible, notamment, grâce aux registres de distribution et aux contrats d’engagements ;
  • Une analyse des règlements des théâtres dans leur façon de gérer les cas de grossesse ;
  • Une réflexion sur la manière dont l’âge, en relation avec le système des emplois, agît sur la carrière des actrices ;
  • Une étude des archives judiciaires afin d’identifier les procès intentés par ou intentés aux actrices sur des motifs professionnels ;
  • Une analyse des registres de la police des mœurs afin d’approfondir les rapports entre les actrices et la prostitution.

L’hébergement et les repas seront pris en charge, ainsi que les frais de transport pour les collègues ne bénéficiant pas d’un soutien de leur laboratoire.

La langue principale du colloque sera le français, mais il sera possible de présenter une communication dans une autre langue (à discuter en amont avec les organisatrices).

Les propositions de communication, de 3000 signes au maximum sont à envoyer à :

roxane.martin@univ-lorraine.fr et suzanne.rochefort@univ-lorraine.fr

Date butoir : 19 décembre 2025

Comité scientifique

Olivier Bara (Université Lumière Lyon 2) – Florence Filippi (Université de Rouen) – Julia Gros de Gasquet (ENS PLS) – Gabrielle Houbre (Université Paris Cité) – Stéphanie Loncle (Université de Caen Normandie) – Caroline Muller (Université Rennes 2) – Anne Pellois (ENS Lyon) – Juliette Rennes (EHESS) – Jean-Claude Yon (EPHE)Appel à communication_L’actrice au travail